Djeddi Mangellat  dont le nom est célèbre est vers lequel se tournent tous les yeux mérite que l’on raconte son histoire.

Il demeure la merveille élevée au ciel, qu’un souffle mystérieux emporta Dieu sait où. Pour le comprendre, il faut de l’intelligence. Pas de maisons sans fondation, pas de fleur qui n’ait de racine.

Djeddi Mangellat  est un saint, il vint de l’Orient, il y a de cela fort longtemps. Son dessein était de prêcher la vérité aux gens qui l’ignoraient. Il se mit en route et Dieu le conduisit à cet endroit auquel, aujourd’hui son nom est attaché. Il s’y établit. C’est un homme instruit et un saint. Les gens qui eurent la chance de vivre avec lui furent comblés de toutes sortes de bénédictions qu’il leur disparaissait largement. Il détenait la baraka et son pouvoir d’intercession était très grand. Dieu l’exauçait toujours. Ecouté de tous, on venait de partout lui rendre visite et lui demander des conseils acceptés de tout le monde. Son nom devint célèbre.

Djeddi Mangellat fonda un foyer ; il eut sept enfants. Quatre d’entre eux, Ikhlef, Ahnini, Ameur et saïd, eurent des descendants. Ils sont à l’origine des groupements actuels de la tribu. Ikhlef  donna naissance à Azrou, Elqern, Taskenfout, Ikhf-Ousammeur. Ahnini, lui fut le père de deux groupements :  Taourirt et Ouaghzen, d’une part, Tamejjout, At-aïlem et Ouaïteslit, d’autre part. Quand à Ameur et Saïd, ils, fondèrent à eux deux, Aourir, Tililit, Ighil-Bougni, Tasga-Melloul. Leur ensemble,  c’est la tribu des At-Mangellat, ou bien D’où-Mangellat et non plus Manguellat comme auparavant.

SON FILS IXLEF

Un jour, les fils de Djeddi Mangellat  allèrent faire paître leurs bêtes.

Le soir, il se mit à tonner avec accompagnement d’éclaire. Pluie et grêle. Ils furent tellement mouillés que chacun de leurs chevaux était une rigole.  Quand ils furent rentrés à la maison, leur père leur dit :

  • Venez-vous chauffer et sécher vos habits.

Ils s’approchèrent du feu. Ikhlef refusait de venir se chauffer. Son père insista en vain pour le faire s’approcher : il s’entêta dans son refus. Voyant cela, son père se fâcha et lui dit :

  • Puisque tu es si dur à la misère, je vais t’envoyer à Kherouedh !

Quand les enfants eurent grandi, Ikhlef reçut pour sa part At-Ekhlef et le nom est resté à cause de lui.

Les descendants de Djeddi Mangellat  conservèrent précieusement sa mémoire. Ils bâtirent un mausolée qui existe encore aujourd’hui. C’est celui que l’on aperçoit, tout blanc, au milieu des chênes, visibles partout.

Sa mort ne fit que l’enlever aux yeux du monde ; elle lui permit de prendre place parmi les âmes proches de Dieu. Son action est encore sensible maintenant comme de son temps. Sinon même d’avantage. Il veille sur les siens, il les protège.  Quarante d’entre eux figurent parmi les saints chaque jour. Quand il veut transmettre un message, il sait choisir ses gens. Il se manifeste d’habitude sous les traits d’un vieillard à barbe grise, de taille moyenne.

On raconte  qu’un homme était parti vers l’est. Ne trouvant aucun métier lui permettant de gagner sa vie, il se fabriqua une généalogie le rattachant à Djeddi Mangellat. Il arriva à un cerain endroit et il se présenta comme tel. On l’entoura et lui de dire :

  • Je suis fils de Djeddi Mangellat. Je vais planter ici ma canne et l’eau va sourdre.

Il en fut effectivement comme il l’avait annoncé. Mais celui qui lui avait lâché la bride y avait mis un mors. Tout à sa joie, notre homme eut un songe pendant la nuit, comme en ont les gens aimés de Dieu. Un vieillard se présenta à lui, la face toute brillante d’une céleste clarté. Il le prit à la gorge et lui dit :

  • Ton (mon grand-père Mangellat), c’est moi ! je t’ai permis de faire un miracle, mais si tu recommences à mettre mon crédit en chansonnettes, c’est ainsi que je te ferai !

Comme il disait cela, ses mains se serraient autour du gosier de notre homme, qui s’éveilla en sursaut.

Il s’est également montré à des combattants en pleine bataille, étendant sur eux sa toute-puissante protection. Son autorité tutélaire n’a pas de limites.

Lorsque leurs enfants tardent à rentrer de voyages lointains, les femmes vont les appeler par une petite lucarne du mausolée de Djeddi Mangellat dirigée sur l’orientation rituelle. Un jour, une vielle, de cette lucarne, appela  son fils qui était alors en France : « Reviens ! C’est Djeddi Mangellat qui te veut ici ! » (C’est la formule employé employée habituellement). La nuit même, l’homme rêve que Djeddi Mangellat venait près de lui et lui disait : « «Reviens au pays ou je t’arrache les yeux ! » Il s’éveilla alors et, dès le lendemain prit le chemin du retour. C’est lui-même qui a raconté le fait.

Le mausolée de Djeddi Mangellat est très honoré. On y fait des aumônes privées, on y fait des zerdas ; on y apporte des offrandes. Il y en a qui offrent des tentures.

Il est administré par un moqadem, mais c’est toute la tribu qui se charge effectivement de maintenir son renom. Les étrangers, pour traverser son enclave, mettent respectueusement pied à terre. Au tribunal même, son autorité est reconnue : un serment prêté en son nom est, en bien des cas, décisif. Djeddi Mangellat est donc grand parmi les saints : il intervient pour les siens auprès deux. La vénération et l’honneur qu’on lui porte se manifestent dans les chants composés en son honneur.

Le moqadem, d’après un choix de Si Lhadi, est un membre de la famille des Aït-Amrane :

Si Lhadi fit cette remarque : il nous faudrait mettre un moqadem à Djeddi Mangellat. S’adressant alors au premier des Aït Amrane, Il lui dit : c’est toi qui seras ce moqadem. Il refusa, disant : Pour moi, je pourrais m’acquitter correctement de cette fonction, mais je redoute que mes descendants ne viennet à déchoir. Je leur pardonne. Rétorqua  Sidi Lhadi. L’autre accepta donc cette charge qui est assumée depuis lors par ces descendants.

Certains refusent de voir en Djeddi Mangellat autre chose qu’un grand saint, protecteur indéfectible de la tribu des At-Mangellat. A l’instar de Sidna Aïssa, il n’aurait eu ni père ni mère, ne se serait pas marié et, sans passer par la mort, aurait été enlevé au ciel.

On raconte qu’autrefois, un homme de la tribu de At-Mangellat avait dix enfants. Avant de mourir, il leur remit dix graines (de courage), ils les semèrent en dessous (de la coupole) de Djeddi Mangellat. Elles levérent et donnèrent des tiges, et chacun de suivre la sienne : où elle avait donné une courgette, c’est là qu’il bâtit son village.

Quatre tiges se dirigèrent vers les At-Ameur Ou-Saïd : l’un d’eux bâtit Tililit ; le second Aourir ; le troisième, Tasga Melloul et le quatrième, Ighil Bougni, le cinqième bâtit Taourirt ; le sixième, At-Khlef ; le septième, At-Aïlem ; le huitième, Tamejjout ; le neuvième, Ouaïteslit. Quand à la dixième tige. Elle alla très loin : elle traversa la rivière du Djemâa et ne donna sa courgette qu’une fois arrivée à Aït-Saada : c’est là que son propriétaire bâtit son village.

De nos jours encore certains affirment que les gens d’Aït Saada feraient partie de At-Mangellat.

Ces dix hommes eurent tous des descendants qui peuplèrent leur village. Ils n’avaient pourtant que le même ancêtre : c’est Dieu qui les fit se multiplier ainsi que des pommes de terre !