On  se sent beaucoup plus à l’aise pour parler de cette organisation car Taourirt ne fit que s’appliquer la loi de la montagne berbère.

L’administration d’un village Kabyle a été fort bien décrite par Hanoteau et Letourneux dans leur ouvrage sur les coutumes de la Kabylie, particulièrement dans le tome II, pp. II suffira de les suivre en signalant, le cas échéant, certaines particularités observées à Taourirt.

A la tête de tout village on trouve l’amine, mais ce chef n’est, à proprement parler, que le délégué de l’autorité suprême détenue par la djemâa, assemblée des citoyens. Fixée traditionnellement à l’accomplissement intégral  du  jeûne du Ramadan, vers quinze ou seize ans, la majorité fut reportée à dix-huit ans avec l’introduction de la conscription militaire.

La djemâa se réunissait périodiquement tous les quinze jours (non tous les huit jours, semble-t-il, comme le dit Hanoteau, p. 20), dans la vaste tajmaït  de Tabbourt-Oumalou. Elle y discutait, sous la présidence de l’amine de tout ce qui concernait la bonne marche du village, établissant notamment les nouveaux quanouns, règlements particuliers, destinés à faire régner l’ordre et la propreté en fixant une amende pour les délinquants (v. Hanoteau, t, III, p. 358, le Kanown du village de Taourirt en-Tidits).

L’amine n’est donc qu’un dépositaire de l’autorité de la djemâa, un président d’assemblée qui, « à part quelques menus détails de police municipale, ne peut prendre de décision sur aucune affaire sans la sanction de la djemâa, il est élu par elle ; ce qui n’empêche que, une fois ou l’autre, celle-ci n’ait pu confier le soin de ce choix à quelque personnage plein de sagesse : ainsi en fut-il pour Sidi-Mohand Ou-Sâadoun, comme en témoigne une anecdote racontée plus loin à propos de ce saint.

L’amine, en principe, doit être le plus méritant. Cependant, comme le fait remarquer Hanoteau, « dans quelques villages et notamment à Taourirt en-Tidits, l’amine est choisis à tour de rôle dans chacune des kharoubas du village. La durée de ses fonctions reste néanmoins illimitée, » (p. 33). Ce dernier detail sur la durée illimitée a été contesté par l’un ou l’autre des informateurs : tous les deux ans, on changeait l’amine, à moins qu’il ne fût d’une valeur exceptionnelle : on le gardait alors jalousement.

Il n’y a, enfin qu’un amine par village. On en vit deux pourtant  à Taourirt  lors de la sanglante vendetta qui opposa, au début du siècle, les Aït-Salem et les Aït-Si-Ameur, divisnat le village en deux clans ennemis.

L’amine est aidé dans sa charge par les t’emman, répondant, garants : un par quartier. Si Hanoteau affirme à tort que leur choix est réservé à l’amine, (en réalité, c’est le quartier lui-même qui fait ce choix), il décrit fort exactement ses fonctions : “il est responsable envers l’amine de ce qui se passe dans sa fraction : il doit prévenir des délits qui arrivent à sa connaissance, mais il n’a pas autorité pour les réprimer. Son rôle se borne à celui de surveillant  sans autorité (p. 9, 10).” Taourirt comptant quatre quartiers avait donc quatre t’emman.

Cette trop brève description de la vie sociale et administrative à Taourirt ne serait pas complète si l’on ne disait un mot des quartiers et de l’inévitable répartition en deux çoffs, celui d’en haut et celui d’en bas, les quatre quartiers ne correspondant point à des emplacements topographiques distincts, du moins présentement. Il suffira donc de donner leurs noms avec le çoff auquel ils se rattachent.

Au çoff d’en bas se rattachent les deux groupes familiaux des At-Mâtouq et des At-Heggoun : au çoff d’en haut, les At-Ali Ou-Mhend et les At-Ouzeggan.

Detail des familles par “adrum” :

Çoff d’en-bas :

  1. At-Me£tuq : I£ekkouchen ; At-Taleb ; At-Umadi ; At-Dehman ; At-Si-Ameur ; At-Sliman ; At- Brahem ; At-Mhend ; At-Lhag
  • Rattachés :         marabouts : At-Sidi-Ssi£d ;
  •                              Aklan : At-Mbarek
  1. At-Heggun : At-Se£da ; At-Yehyaten ; At-Ya£qub.

Çoff d’en-haut :

  1. At-£li u-Mhend : At-Mes£ud ; At-Yebrahim ; At-Ye£u ; At-Ce£lal ; At-Umezyan ; At-£qil ; At-Boudinar ; At-£ebdelqader ;
  •                          Marabouts : At-Sidi-Lhadi.
  1. At-Uzeggan : At-M£emmar ; At-Qaqi ; At-Uhemmu ; Ibdasen ; At-Hemlat ; At-£mara we£li ;  At-£mer ; At-Lehbib ; At-We£li ; At-Temmim ; At-Yusef ; At-Mangellat ; At-Ttaher ; At-Meddur ; At-Salem.
  •     Marabouts : At-Sidi-Hend u-Lhag ; Si-Lxider.